Pourquoi s’intéresser à la permaculture ?

Au plus je creuse le sujet de la permaculture, au plus mon intérêt grandit et plus je découvre des passerelles pour enrichir ma façon de faire de l’agilité. Dans les articles qui suivront, je déroulerai le concept de « permagilité », une agilité durable et basée sur la philosophie et les principes de la permaculture. Mais aujourd’hui je vous propose de commencer par une petite introduction à la permaculture.

Si nous reprenons la définition de wikipedia :

la permaculture est une méthode systémique et holistique de conception d’habitats humains et de systèmes agricoles inspirée de l’écologie naturelle (biomimétisme) et de la tradition.

Le système agricole étant au coeur de la permaculture, allons jeter un coup d’oeil sur le monde agricole moderne.

L’agriculture intensive

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, l’agriculture devient le secteur clé de tous les pays en reconstruction. Il faut sortir du rationnement et réussir au plus vite à nourrir les populations. Avec l’arrivée du pétrole l’agriculture connait une mutation radicale et très rapide :

  • Les paysans s’équipent de plus en plus en engins mécaniques : tracteurs, moissonneuses, pulvérisateurs…
  • Le retournement des sols s’impose comme bonne pratique
  • Avec le développement de la chimie, engrais et pesticides deviennent la norme

Les semences également sont sélectionnées pour leurs rendements et leurs uniformités au détriment de la variété.

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Source : l’agriculture paysanne expliquée aux urbains

L’agriculture devient intensive, les paysans deviennent des exploitants agricoles à la tête de fermes géantes de plusieurs hectares et en conséquence les rendements progressent très rapidement

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Augmentation des rendements, baisse des prix, le tableau est presque parfait. Cependant, tout n’est pas aussi merveilleux qu’il y parait.

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Quand l’agriculture intensive s’essouffle

Après plusieurs années d’augmentation des rendements, ceux-ci arrivent à un pic puis progressivement commencent  à se réduire. En cause : la fertilité des sols qui est de plus en plus faible. La pratique de retournement des sols (qui remonte à la surface et tue la vie sous-terraine), la pulvérisation d’engrais et pesticide (qui modifie la composition chimique des sols et détruit l’humus) et la séparation des cultures sont incriminés. 

Autre conséquence : de nouvelles pathologies liées à la monoculture et l’utilisation des pesticides apparaissent, L’écosystème est trop pauvre pour trouver les ressources pour se défendre. Les plantes également deviennent de plus en plus résistantes aux pesticides (comme les humains aux antibiotiques).

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Source : l’agriculture paysanne expliquée aux urbains

Enfin les conséquences pour les exploitants agricoles sont aussi désastreuses. Exposés à de plus en plus d’éléments toxiques ceux-ci ont beaucoup plus de risques de développer des maladies graves (comme par exemple la maladie de Parkinson).

Et dernière conséquence leur autonomie est en baisse :

  • dépendances envers les semenciers pour l’achat de graines non fertiles 
  • dépendances envers les conseillers techniques pour l’utilisation des engrais et pesticides
  • dépendances envers les banques pour l’achat de gros matériels agricoles
  • dépendances envers les circuits de distributions qui fixent leurs prix

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Autres risques de l’agriculture intensive

L’agriculture intensive est face à trois autres défis qu’elle devra relever dans les années à venir.

La fin d’une énergie bon marché

L’agriculture actuelle (dans les pays du Nord) s’appuie sur l’utilisation intensive de pétrole  : mécanisation, engrais, pesticide. Or il y a de forts risques que nous arrivions au terme de notre capacité en pétrole d’ici quelques années (voir la page Pic pétrolier). Nous pouvons déjà remarquer que le prix du pétrole est en augmentation depuis plusieurs années et donc le postulat « énergie bon marché », sur lequel s’était développé l’agriculture intensive, ne fonctionne plus. De plus en plus d’exploitants agricoles sont menacés par cette augmentation des prix.

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Impact de l’agriculture sur le réchauffement climatique

Le défi majeur de notre civilisation pour le 21ème siècle sera vraisemblablement notre capacité à lutter contre le réchauffement climatique. Lorsque l’on regarde les rapports sur les causes du réchauffement climatique, il y a un élément qui m’interpelle, l’agriculture est positionnée comme une des causes principales de ce réchauffement :

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La plus grosse part de l’agriculture aujourd’hui a pour vocation de nourrir le circuit de l’élevage (bovin principalement) et pour se développer contribue à la déforestation.

La pérennité de ce modèle me parait peu envisageable.

Disparition des sols

Les paysans autrefois tiraient leur fierté de leur capacité à développer des sols riches et fertiles. On considère comme sol fertile, la couche d’humus de couleur foncée :

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Source : http://jardins-dijon.forumgratuit.org/t68-le-sol-est-un-ecosysteme-complet-et-vivant-jardin-potager-au-naturel

Cette couche riche en matière organique met plusieurs dizaines voire centaines d’années à se créer. Dans de bonnes conditions cette couche d’humus sera de plusieurs dizaines de centimètres.

Aujourd’hui plusieurs études mettent en avant la disparition de 75% de leurs volumes sur le sol américain. Globalement, notre volume de terre arable par habitant est en chute libre. Il existe cependant des méthodes permettant de faire machine arrière…

La permaculture

La permaculture est formalisée en 1978 par deux australiens Bill Mollison et David Holmgren dans leur livre Permaculture One, le terme est une contraction de l’expression « permanent agriculture », permanent prenant le sens de durable.

La permaculture est une approche globale dont les fondements vont à l’encontre de l’agriculture intensive. C’est à la fois une philosophie (que l’on nommera Ethiques), des principes et des pratiques concrètes.

Ethiques et principes de la permaculture

Ethiques

Au coeur de la permaculture on va retrouver trois éthiques fortes qui vont être les piliers de toute l’approche permaculturelle :

  • Prendre soin de la terre : prendre soin de tout ce qui vit, du sol, de l’atmosphère, des eaux, de la forêt…
  • Prendre soin des Hommes : prendre en considération les besoins basiques, mais aussi la nourriture, le logement, l’éducation, la santé, la communauté et les générations futures…
  • Redistribuer les surplus : cela pose la question « de quoi avons-nous besoin ? », il y a des limites à ce que l’on peut donner et prendre. Que peut-on distribuer au-delà de ces besoins. Surplus de capacité de production, de production mais également surplus de compétences à partager… Cette éthique va à l’encontre de l’idée du  modèle de croissance continue.

Ces trois éthiques s’accompagnent de 12 principes :

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Source et détails sur permacultureprinciples.com

En tant qu’agiliste certains principes paraissent évidents comme le principe 4 « Appliquer l’auto-régulation et accepter la rétroaction », d’autres comme le principe 11 « Utiliser les interfaces et valoriser les éléments en bordures » vous seront peut-être moins familiers.

Le détail de ces principes et leur déclinaison dans un cadre d’entreprise seront détaillés dans un prochain article.

Enfin la permaculture c’est également des pratiques concrètes de production basées sur le fonctionnement de la nature. On va retrouver par exemple :

  • PaillageLe paillage, qui consiste à disposer une matière végétale sur le sol (de la paille, de l’herbe coupée, des écorces de bois) afin de le protéger des rayons directs du soleil, éviter la pousse des mauvaises herbes et aider le sol à garder sa chaleur et son humidité.
  • engrais-vertsLes engrais verts, comme le trèfle, la luzerne, la moutarde, qui vont eux aussi protéger le sol et éviter la pousse d’herbes indésirables. L’autre intérêt des engrais verts est de préparer le sol puis de le nourrir lorsque l’on va le couper.
  • Le compostage, la culture sur butte ou en lasagne, l’association de plantes, la recherche de prédateurs naturels aux éléments toxiques…

Pourquoi s’intéresser à la permaculture ?

C’était quand même le titre de l’article…

Je me sens concerné comme beaucoup par les difficultés et les dérives de l’agriculture actuelle. Quel futur allons nous avoir et quel futur laisserons nous à nos enfants ? Je vois dans la permaculture et dans les approches connexes (comme les AMAP, les villes en transition) une réponse à ces dérives et un moyen de créer un futur soutenable.

Permaculture et agilité ?

En tant qu’agiliste je trouve également beaucoup d’intérêt dans la permaculture. Je vois de plus en plus de transitions agiles qui sont initiés (selon moi) pour de mauvaises raisons : être plus productif, croitre toujours plus, privilégier la recherche de résultats court terme, aligner toute une organisation sur une même manière de faire (vous inquiétez pas c’est safe). Cela me fait penser dans beaucoup de cas à la manière dont fonctionne l’agriculture intensive, on cherche de nouveaux remèdes miracles pour s’attaquer aux symptômes plutôt qu’aux causes. Et mal employé, l’agilité n’en est qu’un de plus.

Après plusieurs années de coaching, l’autre aspect qui me gène est la durabilité des changements que nous impulsons. J’ai vécu et j’ai également été témoin de transitions qui faisaient machine arrière très rapidement suite à la modification d’un élément du système (comme le départ du sponsor principal remplacé par quelqu’un de plus sceptique). Adressons-nous vraiment la question de la résilience dans ces transformations ?

Permagilité

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Et si nous développions notre « permanent agilité » ou permagilité ? Une approche qui commencerait par se poser ces questions :

  • Quel est notre but ? De quoi avons-nous besoin ?
  • Comment est-ce que je crée un écosystème fertile, durable dans le temps ?
  • Comment est-ce que je prends soin des Hommes ?

Et si nous cherchions à créer avant tout de petites équipes très productives plutôt que chercher à tout prix un modèle de croissance ultime ? Et si ces équipes étaient « écologiques » vis à vis de leur environnement et formaient un maillage en réseau avec le reste de leur écosystème ?

Et si enfin on s’inspirait de la nature pour mettre tout ça en musique ?

Si vous êtes curieux et souhaitez en savoir plus vous avez deux possibilités :

  • Revenir sur ce blog très prochainement et lire les articles sur une mise en place plus concrète d’une organisation « permagile »
  • Participer au prochain walkingdev sur la permagilité qui se déroulera à Paris le 18 octobre prochain.

Quoi qu’il arrive je suis preneur de commentaires pour enrichir le sujet.

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